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Paul est un garçon de 10 ans, autiste atypique. Cet été je l'emmène vivre une grande aventure dans les steppes de Mongolie.

Heureux qui comme Ulysse..

Heureux qui comme Ulysse..
Heureux qui comme Ulysse..
Heureux qui comme Ulysse..

Voilà, tout a une fin. Ou bien non, tout continue. Chaque rencontre de ce voyage est une richesse, chaque seconde passée avec mon fils la constitution de notre trésor commun. Notre route sera longue, nous aurons besoin d'y puiser des forces. En quittant la terre mongole, je repense à ce poème de Du Bellay : 

"Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage

Ou comme cestui-là qui conquit la toison

Et puis est retourné, plein d'usage et raison, 

Vivre entre ses parents le reste de son âge ".

Je crois pouvoir affirmer que Paul a été heureux de vivre cette aventure, et fier de s'en montrer capable : quitter son environnement quotidien, entrer en relation avec des gens dont il ignore tout, qui ne parlent pas la même langue, qui n'ont pas les mêmes coutumes, dépasser ses peurs, vivre dans une nature dont l'immensité donne le vertige.  Un défi, une conquête ! Et riches de tout cela, nous sommes heureux de rentrer chez nous. L'impatience est là maintenant de retrouver ses frères, il l'exprime : "c'est bizarre, j'ai tout le temps Octave et Gabriel dans ma tête". Je savoure. J'ai guetté comme une assoiffée tout au long du voyage la moindre parole, ses réactions, ses émotions. Mais c'est si difficile pour lui de raconter et même d'identifier clairement ce qu'il ressent. Alors j'écris en espérant qu'un jour il lira et que ce sera fidèle à ce qu'il a vécu.

Je porte la Mongolie dans mon coeur, j'y ai rencontré des hommes et des femmes exceptionnels, vécu deux aventures inoubliables. Mais de retour dans mon nord, je sens l'attachement viscéral que j'ai pour ma terre natale. On est de son enfance comme on est d'un pays écrit Saint-Exupéry. Et elle était magnifique mon enfance sur les plages de la baie de Somme. Le mode de vie des nomades m'a renvoyé à un essentiel. La beauté est là, partout , il suffit d'ouvrir les yeux. Les lumières d'un soleil couchant sur la  baie, le vol d'un oiseau au ras de l'eau, les fleurs de pommiers qui embaument, la mésange qui vient picorer dans le jardin, les enfants qui courent sur la plage, le bruit du vent et des vagues, ... Des trésors au quotidien.

Oui j'ai été gâtée par la vie. Une enfance douce et rassurante, des parents aimants, une scolarité sans problème. Et mes trois enfants, mon essentiel. Puis j'ai découvert l'envers du décor. Vivre avec le handicap aujourd'hui en France pour un enfant, c'est vivre l'incertitude, la précarité, les préjugés. Même si, il faut être juste, c'est aussi vivre, et c'est si beau, la main tendue, la solidarité, la bienveillance.  Je ne suis pas porte-drapeau, Paul n'est pas un héraut de l'autisme. Je ne suis qu'une maman qui a entamé avec son enfant un long voyage qui n'était pas prévu, à l'image de milliers d'autres dans notre pays. Paul va avoir 11 ans, il a un Trouble du Spectre Autistique. J'ai de la chance, je mesure ma chance, il est modérément atteint. Ce qui fait que lorsqu'on le croise, on ne peut soupçonner son handicap. Il passe au mieux pour un enfant mal élevé, au pire comme on me l'a asséné une fois avec délicatesse, pour un débile léger. Et pourtant, entrer dans le monde de l'autisme, c'est entrer dans une bataille permanente. Bataille pour le diagnostic - quatre ans d'errance en ce qui nous concerne sans pouvoir mettre un nom sur le combat à mener. Bataille pour la scolarisation : quand Paul avait 4 ans, on m'a recommandé le placement en hôpital de jour. J'avais la conviction qu'il pouvait progresser, qu'il pouvait rester à l'école et s'y épanouir, avec de l'aide. Bataille pour obtenir les aides qui rendent possible cette inclusion scolaire : c'est chaque année refaire une demande, remplir des dossiers administratifs, des bilans médicaux. Bataille pour une thérapie adaptée : celle-ci n'étant pas prise en charge par la sécurité sociale, c'est aujourd'hui une association parentale qui m'aide à la financer. Bataille contre le fatalisme : combien m'ont dit de lâcher, de me soulager en plaçant Paul hors du système scolaire ordinaire. On m'avait dit que Paul ne lirait pas, n'écrirait pas. Grâce à un formidable travail d' équipe, il est devenu lecteur, il écrit de mieux en mieux. C'est un petit garçon épanoui qui adore l'école.

 

Voila, je voulais vous parler de Paul, un enfant comme tant d'autres qui est venu au monde avec cette particularité. Un petit garçon formidable qui aime sa famille et ses copains, qui n'aspire qu'à être heureux, à avoir un avenir. Une rage terrible me prend au ventre chaque fois que je pense qu'on voulait l'exclure à 4 ans. J'ai passé des années à taire son handicap, à vivre ça dans mon coin. Et puis cette injustice pour lui comme pour tant d'autres m'est devenue insupportable. Ma seule prétention est de montrer à ceux qui voudront me lire l'être formidable qu'il est , défendre son droit à une vie digne de ce nom. A l'heure où j'écris ces lignes, c'est la rentrée scolaire. Un été serein pour une fois car je sais que l'AVS de Paul sera présente pour l'accueillir. Mais je connais ces semaines d'angoisse à se demander si il aura sa place à l'école à la rentrée. Cette journée horrible qui aurait dû être une fête, pliée de douleur après avoir laissé mon bonhomme seul, perdu dans la cour parce que l'administration n'avait pas trouvé de solution à ma situation. C'est inhumain. Et c'est ce que vivent encore tant de familles. J'ai découvert des enfants et des adultes qui sont les oubliés de la République, on les cache, on barre d'un trait leur avenir. Quelle société peut se regarder en face en mettant au ban ses enfants différents ? Cela doit changer, cela va changer. Mais il faut pour cela que chacun change son regard sur celui qui n'est pas "dans la norme"... J'y crois. 

L'aventure "Paul en Mongolie" , c'était aussi s'octroyer, revendiquer le droit de rêver, de faire des projets, de les voir aboutir, d'avoir envie et refuser de dire que c'est impossible, vivre, vivre intensément sans refus de la réalité mais sans plier sous le poids d'une fatalité mortifère.  

Notre voyage continue Paul, l'amour et le combat aussi...

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